Henri Faliu-Blanc
" Le vacarme de la parlerie "
Le Tao rend hommage à cette frêle oraison qui,
sans le secours des mots, armée de sa seule candeur,
sans cesse brimée par le vacarme de la parlerie,
dit et rêve l'indicible, nomme inlassablement l'innommé.
*
Maître, le Tao fréquente-t-il aussi des lieux modestes ?
Le Tao est dans la niche du chien,
dans le cambouis maculant les mains du mécanicien,
dans la poche trouée du veilleur de nuit,
dans les ouïes de la sardine fraîchement pêchée.
*
Maître, depuis quand le Tao est-il le Tao?
Le Tao est l'enfance de toutes choses et leur évanescence.
Le Tao a l'âge du nourrisson, le poids des ans de l'éternité.
*
Maître, comment honorer le Tao si d'aventure on le croise ?
Le culte de la personnalité est étranger au Tao :
il n'a ni bonne parole à porter au loin ni honneurs à recevoir.
Le Tao n'a pas de disciples et n'en souhaite point.
A ceux qui seraient tentés de lui vouer un culte, le Tao murmure,
sur un ton de péremptoire douceur :
"Oubliez le Tao, passez votre chemin."